jeudi 8 mai 2014

SHIKOKU : TEMPLES N° 72 A 75 SOUS LE SOLEIL

Une fois le repas terminé au pied du Temple n° 71, nous ne nous éternisons pas car notre objectif du jour est de terminer au 75. Après avoir refait le plein d'eau au distributeur du coin, ça repart dans les bois - nous traversons notamment une forêt de bambous - puis sur les routes, sous le soleil qui continue de taper...


Bambous
A certains endroits, on ne peut pas louper le fléchage
Nous avons notre logique (qui consiste à d'abord terminer ce qui est en hauteur avant de redescendre dans la vallée, quitte à ne pas faire les temples dans l'ordre) et nous passons donc d'abord par le Temple n° 73 : Shusshaka-ji. Selon la légende, âgé de 7 ans, Kukai voulait déjà savoir s'il était fait pour le Bouddhisme. Il aurait grimpé cette montagne et se serait jeté dans le vide en questionnant sa foi. Une divinité serait apparue pour amortir sa chute... et vous connaissez la suite : il a dès lors consacré sa vie à la religion, l'enseignement, la philosophie et les lettres. Il est évident qu'un temple devait être construit à un tel endroit fondateur pour lui.

Bureau de calligraphie
La minute historique
Illustration de l'épisode où Kukai se jette dans le vide et où la divinité le sauve
Vue sur la vallée depuis le Temple n° 73
Cette randonnée n'est pas seulement un plaisir pour la vue ; elle l'est aussi pour l'odorat. En redescendant, nous longeons des mandariniers et l'odeur qui s'en dégage (proche de la fleur d'oranger) est si envoûtante que nous resterions bien là des heures à humer l'air.

Le Temple n° 72 (Mandara-ji), initialement appelé Yozaka-ji lors de sa construction en 596, était le temple familial du Clan Saeki, les ancêtres de Kukai. On est clairement dans sa région d'origine.

Fleurs de mandarinier

Sandale de Bouddha



La suite est un peu moins agréable - le long d'une route où circulent de nombreuses voitures et au bord d'une carrière qui défigure le paysage - et nous sommes contents de trouver enfin le Temple n° 74 : Koyama-ji. Quand Kukai réfléchissait à fonder un temple entre le précédent et le suivant, un vieillard serait venu le trouver en lui disant de ne pas hésiter car il promettait de veiller sur ce lieu pour toujours. Je pense qu'il n'imaginait pas que ce site puisse à ce point être entouré de trafic et de travaux...

Ce n'est pas uniquement un pays de riz puisque cette région produit du blé pour ses fameuses nouilles (udon)



Bâtons de marche des pèlerins partis prier au temple
Enfin, nos pas nous mènent au Temple n° 75, le Zentsu-ji, qui a donné son nom à la ville qui l'entoure et dans laquelle sont disséminés les nombreux bâtiments qui le composent. Ce temple est en effet très étendu et il constitue d'ailleurs, avec le Mont Koya (où nous sommes passés la semaine passée) et le temple To-ji à Kyoto, le 3e grand lieu sacré lié à la secte Shingon et à son fondateur car c'est ici que Kukai serait né. Vous voyez un petit problème ? Oui oui, c'est le 2e site depuis ce matin qui revendique le lieu de naissance de Kukai. Ou alors il avait un sacré don d'ubiquité dès son arrivée sur terre !

On sent que certains habitants ne roulent pas sur l'or
Entrée vers le temple principal

Le Temple n° 75 est composé de nombreux bâtiments aux formes très variées



Ces dragons me font penser à des chats prêts à se battre

Le soleil va bientôt se coucher et nous aussi, non sans un repas à côté du Zentsuji Grand Hotel où nous logeons. La suite de Shikoku 4 : demain !

SHIKOKU : TEMPLE N° 71, OSETTAI ET SANUKI UDON

Le début de l'épisode 4 de la randonnée à Shikoku rappelle un peu celui de l'épisode 1 : un mini train nous emmène de la ville principale de la préfecture à une petite gare paumée dans la nature. C'est ce que je vous avais raconté dans l'article Shikoku : Temple n° 1 et équipement du Henro que je vous invite à (re)lire si vous vous posez des questions sur ma tenue de marche.

De bon matin, nous quittons donc Takamatsu, capitale de la Préfecture de Kagawa, pour Kaiganji.






Mais si nous débutons notre marche au départ de cette gare perdue de Kaiganji, non loin de la mer, ce n'est pas innocent : c'est là que la maman de Kukai - personnage illustre dont je vous ai déjà parlé à maintes reprises vu que c'est la figure emblématique du pèlerinage des 88 temples - aurait construit une maison et donné naissance à son fils. D'ailleurs, au moment où Frédéric va chercher sa calligraphie au Temple Kaigan-ji (dans un cahier à part car ce n'est pas un temple officiel de la série des 88 mais le temple n° 18 du pèlerinage secondaire), le vieux monsieur qui nous raconte l'histoire dans un mélange de japonais et d'anglais insiste bien sur le fait que c'est ici le lieu de naissance de Kukai ! (On verra plus tard dans la journée qu'un autre temple le revendique aussi)



Pagode de l'okuno-in (temple retiré, souvent plus haut dans la montagne)

Calligraphie du Temple Kaigan-ji
Après cet échauffement, les choses sérieuses commencent. Nous traversons d'abord un village où nous ne manquons pas de remarquer les vignes. Le soleil tape sur le bitume et la température monte. Puis nous nous lançons dans l'ascension d'une petite montagne, dans une premier temps pour contourner un barrage, ensuite pour poursuivre vers notre premier objectif du jour : le Temple n° 71 (Iyadani-ji).

Et très vite ça grimpe assez raide au sein de la forêt dans le lit d'une rivière asséchée. Comme d'habitude, je peine un peu dans la montée et le terrain n'aide pas mais les paysages le valent bien.

Vignes

Chien japonais pas content d'être dérangé par des marcheurs de passage

Ca commence à monter le long du barrage
Le chemin : pentu et rocheux, dans le lit d'une rivière asséchée
Le sourire est un peu crispé : l'ascension ne fut pas aisée
Et soudain, nous atteignons le sommet (à environ 300 m d'altitude) et ça redescend un peu. Dans le feuillage apparaissent progressivement les toits des différents bâtiments de ce temple dédié aux soins et à la médecine. Je dois avoir une bonne tête (ou on voit que j'ai souffert dans la montée) car, à peine arrivée, je reçois deux osettai - coutume de l'île qui consiste à encourager les marcheurs par une offrande (boisson, nourriture ou objet) - de la part d'un autre Henro : un porte-clés porte-bonheur en forme d'edamame (pois dans leur cosse) et des pansements chauffants pour les douleurs localisées.




Premiers osettai du jour
Calligraphie du Temple n° 71 : Iyadani-ji
Une fois la calligraphie récoltée, il nous faut trouver à manger car nous sommes en montagne et seul le coin du temple peut nous fournir un repas. Ce sera à la petite cabane en contre-bas où on sert une autre spécialité locale : les Sanuki udon (les udon étant de grosses nouilles de blé tendre que l'on consomme dans un bouillon accompagné parfois de beignets de légumes ou bien de crevettes et Sanuki étant l'ancien nom de la préfecture de Kagawa).

Et là, moment assez hallucinant : alors que nous mangeons dehors devant la cabane, le propriétaire discute en japonais avec Pierre-Alain et, lorsqu'il apprend que je viens de Belgique, il répond qu'il connaît Herman Van Rompuy ! Bien qu'il soit Président du Conseil européen, ce n'est pas vraiment le premier Belge que je m'attends à ce qu'on me cite au fin fond de la campagne japonaise ! Mais notre hôte est un spécialiste du Haiku (forme de poème japonais) et il est vrai que H. Van Rompuy en a déjà publié plusieurs ouvrages. Mais alors là, je suis bluffée... Surtout que le Japonais prononce mieux ce nom flamand que nos amis français. ;o)

Le repas simple mais sympathique se termine par une autre tournée d'osettai (c'est un jour faste !) : nous recevons un dessert (mochi), des bonbons pour la route et une pièce porte-bonheur de 10 yens que nous ne devons pas dépenser. Quelle drôle de rencontre dans les bois ! L'aventure 2014 commence bien.

Notez le t-shirt "I love Shikoku" que j'avais réalisé pour la Japan Expo :o)
Sanuki udon (et sur mon sac, le premier osettai du jour : porte-clés edamame)
Une sympathique et inattendue rencontre