Quand le réveil sonne à 7h, cela fait déjà plusieurs heures qu'il drache sur la région de Matsuyama. Dans la salle des repas du ryokan, le petit déjeuner nous attend. Il est un peu déconcertant pour les gens qui - contrairement à moi - ne mangent jamais de salé le matin : poisson grillé, œuf, tofu (non, toujours pas pour moi), riz, pickles, soupe, natto (plat traditionnel gluant et odorant à base de haricots de soja fermentés : ça, c'est trop pour moi, je passe mon tour), prune sure, thé... L'auberge nous a aussi préparé un lunch pour pas cher car on ne risque pas de trouver de repas en pleine nature.
La pluie intense confirmée pour toute la journée nous impose une réunion de crise car la descente difficile dans la montagne prévue ce matin risque d'être fort peu praticable à cause des coulées d'eau et de boue. Une fois les différentes options exposées, nous choisissons de continuer quand même mais de partir d'un peu plus bas que prévu et via un autre itinéraire.
Le minibus de l'auberge nous descend à l'arrêt de transports en commun bien à temps pour attraper un des rares bus circulant ce samedi. J'ai équipé mon sac à dos de sa carapace verte anti-pluie et presque tout le monde s'est acheté un traditionnel parapluie transparent japonais à l'auberge (j'ai une veste mais ça ne protège pas l'appareil photos et si je veux avoir quelque chose à poster sur ce blog...).
Le bus nous laisse sur un bord de route et nous trouvons assez rapidement le chemin repéré sur la carte afin d'atteindre le premier temple de la journée situé à environ 3 km. Les paysages sont couverts de brume et cela crée une ambiance particulière. Il fait quand même plus de 20 ° C et c'est au son des gouttes tombant de manière assez rythmée sur nos parapluies que nous entamons notre descente.
Vous devez vous dire "oh les pauvres, obligés de randonner sous la pluie" mais je me dis que, sans cette météo, nous n'aurions jamais atterri sur ce chemin alternatif bordé de mandariniers. Et sans vouloir être d'un optimisme fatiguant, moi je suis très contente de pouvoir déguster une mandarine directement venue de l'arbre. L'expression "du producteur au consommateur" prend aujourd'hui tout son sens !
Nous poursuivons notre marche sous les arbres et puis dans le village, les parapluies transparents nous permettant de profiter du paysage presque comme si de rien n'était. La pluie amplifie même certaines odeurs, dont celle enivrante du kinmokusei dont je vous parlais dans :
Shikoku épisode 3 : J'ai hâte !
Et nous arrivons donc au Temple n° 46 (Joruri-ji), fondé comme beaucoup de temples de la région par Gyoki au 8e siècle et restauré par Kukai qui en fit un lieu sacré au 9e siècle. Nous y trouvons un abri qui - ça tombe bien - est situé juste à côté du bureau de calligraphies, où nous recevons une mandarine mikan en guise d'
osettai, la fameuse offrande au pèlerin pour soutenir le henro qui réalise le parcours à pied (je vous en ai déjà parlé à plusieurs reprises et notamment dans :
Shikoku : Temples n° 4 et 5, les pseudo-pèlerins sont de sortie).
Et alors que nous profitons un peu de l'abri au sec et qu'Amélie me soigne une méchante piqure d'insecte au visage avec une crème à la cortisone (avec cette humidité, il fallait s'attendre aux attaques des bestioles), nous recevons en plus deux biscuits : l'un très beau avec le henro dessiné dessus et l'autre style "biscuit palmier" d'Europe. Ce qui nous fait un triple osettai dès le matin. Il faut croire que le gaijin (non-japonais) bravant les éléments pour continuer son chemin fait un peu pitié aux locaux.
J'en profite pour mentionner que la peau de la mandarine mikan oscille entre l'orange et le vert : le fruit que j'ai reçu était donc parfaitement mûr, au cas où vous vous poseriez la question... ;o)
Avant de repartir, Pierre-Alain nous fait la lecture de la minute historique et nous prenons quelques clichés des attributs qui distinguent ce temple des autres : un arbre (un genévrier, si je me souviens bien) qui a plus de 1000 ans et des empreintes de pied de Bouddha.