samedi 13 octobre 2012

SHIKOKU : TEMPLES N° 4 ET 5, LES PSEUDO-PELERINS SONT DE SORTIE

Et notre parcours dans la campagne japonaise continue sous le soleil d'octobre qui tape quand même bien : il fait environ 25 degrés.

 
 
 
 
Nous arrivons alors au Temple n° 4 (Dainichi-ji) dans lequel on peut entre autres voir 33 statues de disciples de Kannon. Tandis que j'attends ma 4e calligraphie, je vois arriver une foule de pélerins frais et pimpants : ils s'installent à la suite de leur chef de groupe devant le bâtiment principal et entament la récitation d'un sutra (c'est en sanskrit et ils ne le comprennent bien souvent pas). Ils retournent ensuite vers leur car où les attend une hôtesse qui récupère leur bâton de marche (qui a servi sur 50 mètres à peine !) et le place dans la soute. C'est ce que j'ai appelé les pseudo-pélerins : ils voyagent de temple en temple - sans les visiter tous - en car ou en voiture et une personne avec des piles de cahiers sur les bras s'occupe d'aller chercher la calligraphie pendant que le groupe est occupé à réciter la prière. Dès qu'ils ont fini, il embarquent à nouveau et filent vers leur destination suivante...
 
 
 
 
 
 
 
Nous repartons - sur nos deux pattes, nous ! (et qu'on ne vienne pas me dire que c'est parce qu'ils sont vieux qu'ils prennent le car : il y en avait des jeunes, notamment dans ceux qui le font en voiture de location) - en direction du Temple n° 5 (Jizo-ji) situé à 2 km. Il est reconnu pour ses 500 statues de disciples de Bouddha et ses deux puits. Depuis l'entrée du haut, on a également une belle vue plongeante sur les alentours.
 
 
 
 
 
Ce lieu fut aussi l'occasion d'une belle rencontre : alors que nous observions un autre guide donner des explications sur un très vieil arbre plusieurs fois centenaire, une dame nous a abordés. Elle était tellement impressionnée par cette bande de jeunes Européens effectuant le parcours à pied qu'elle a tenu à nous offrir une boisson vitaminée à chacun. Nous avions en effet entendu parler de ces osettai, des offrandes au pélerin. C'est une manière pour les habitants de Shikoku de marquer leur respect envers les Henro (donc uniquement les marcheurs, pas les simples passants ou les touristes en car) et de participer au pélerinage comme s'ils donnaient quelque chose à Kukai. Dans les livres, on nous recommande de ne jamais refuser et de partager avec les autres si c'est trop généreux (argent) ou trop lourd (kilos de mandarines). Dans la réalité des faits et malgré tout ce qui a été dit sur cette part importante de la culture du pélerinage sur Shikoku, personne ne nous a offert à boire ou à manger sur le bord de la route à part cette charmante dame.
 
 
 

SHIKOKU : TEMPLES N° 2 ET 3, LA MISE EN ROUTE

Vous avez le contexte, la philosophie, le mode d'emploi et les explications sur la tenue : il est grand temps que je me lance dans le récit de cette aventure. Nous voici donc sur la route à la sortie du Temple n° 1. On croise un plan montrant quelques distances, de belles maisons de campagne, des fleurs roses et mauves (cosmos) dans les champs en jachère... et on arrive assez vite (1,2 km) au Temple n° 2 (Gokuraku-ji), où les gens viennent prier notamment pour une longue vie (au pied d'un vieux cèdre) et pour un accouchement facile.

 
 
 
 
 
 
 
 
Pour ceux qui se demanderaient pourquoi Dimitri porte un masque : c'est ce qu'on fait au Japon quand on a un rhume afin de ne pas refiler ses microbes aux autres. La 2e calligraphie étant réalisée dans notre cahier, nous nous remettons en marche pour environ 2,5 km, entre autres à travers champs, vers le Temple n° 3 (Konsen-ji). Celui-ci abrite notamment le Puits d'or (Konsen) : il est dit que si on voit son reflet dans le fond, on vivra vieux et en tout cas jusque 92 ans. Je me suis vue dedans, donc on en reparle dans une soixantaine d'années... ;o)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Une fois la 3e calligraphie réalisée par une des assistantes du temple, nous repartons pour parcourir les 5 km qui nous séparent du suivant. Au détour d'une rue, je croise mon ami le Détective Conan (clin d'oeil à Cédric qui m'a fait découvrir le manga dans notre jeunesse). Nous nous arrêtons ensuite à mi-chemin sur une aire de jeux pour pique-niquer et souffler quelques instants en chaussettes...
 
 
 
 
 
 

SHIKOKU : TEMPLE N° 1 ET EQUIPEMENT DU HENRO

Après un petit déjeuner composé de divers onigiri (triangles de riz), direction la gare de Tokushima. Un petit train nous amène à la gare du village de Bando et c'est là que les choses sérieuses commencent. On repère le type de fléchage à suivre (voir le billet illustré de nombreuses photos qui y sera consacré) et c'est parti pour la quête du premier temple afin de s'équiper.

 
 
 
La fine équipe de gauche à droite : Grégory, Cyrille, Antoine, Lydia, Pierre-Alain, Jérôme, Dimitri et Stéphanie. Tous les Français en fait. Et au premier rang : Kenji (Japon) et moi (Belgique, bien sûr). Et notre photographe : l'autre Pierre-Alain, le créateur d'Autrement le Japon.
 
 
 
 
Très verdoyant, le jardin de ce Temple n° 1 (Ryozen-ji) est bien agréable et nous plonge en douceur dans la nature. Nous trouvons facilement la boutique et chacun s'équipe comme il veut en piochant dans les éléments caractéristiques du pélerin de Shikoku appelé Henro : rien n'est en effet obligatoire mais c'est le chapeau et la blouse blanche qui forment la base de cette tenue du Henro, personnage au statut respecté sur l'île. Son attirail complet lui donne une allure typique (que l'on retrouve également sur le bonhomme du fléchage) et se compose des vêtements et objets suivants :
 
 
1 - la veste blanche (hakui ou byakue) : elle représente la pureté et l'innocence (c'est tout moi ! hi hi hi...) mais permet aussi surtout d'identifier clairement les marcheurs le long de la route. Certains collectionnent les cachets des temples dessus et la veste devient alors un trésor familial qui sera même posé sur le pélerin le jour de sa mort avant la crémation. Elle a ou non des manches et est assez légère. Et elle comporte dans le dos une inscription en l'honneur de Kukai. Normalement le pantalon et les chaussures doivent être blancs aussi mais peu de marcheurs respectent cette tradition car il faut privilégier la qualité, la résistance et le confort à la couleur.
 
2 - l'étole (wagesa) : partie du vêtement que le religieux porte et qui a été adaptée (simplifiée) pour le voyageur. Elle est également couverte d'une inscription évoquant Kukai. Il en existe de différentes couleurs (selon les prix) et il faut l'ôter quand on va aux toilettes ou manger.

3 - le chapeau (sugegasa) : il est très pratique pour se protéger du soleil ou de la pluie car il est très large... et n'est justement pas facile à caser dans une valise par la suite. Il est aussi couvert d'inscriptions et la marque en sanscrit doit se mettre devant. Il est un élément très caractéristique du pélerin qui peut le garder sur la tête à l'abord et dans les sites sacrés, ainsi que durant la prière. Un morceau de tissu est souvent posé en premier lieu sur la tête pour que l'armature en osier ne fasse pas mal. Et le chapeau est recouvert d'un plastique pour être d'autant plus étanche mais aussi pour être moins abîmé et pouvoir ensuite être exposé dans la maison du marcheur. Un chapeau "bob" blanc ou une casquette lui sont souvent préférés.
 
4 - la bâton (kongozue) : il est traditionnellement en bois et de section carrée mais il arrive qu'on aperçoive des marcheurs avec des bâtons modernes et légers. Il est recouvert sur le dessus de tissus colorés. Il est souvent marqué d'une inscription et certains considèrent qu'il représente Kukai marchant au côté du pélerin.

5 - les sacs : le petit sac du devant (5a) est appelé zudabukuro et est également marqué d'une inscription signifiant (en gros) que "Kukai est avec nous". Il renferme les objets dont on se sert régulièrement : livre de calligraphies, argent, eau, plan, boussole, carnet de bord, cartes de visite... (mais aussi pour les plus religieux : sutras, encens, bougies, briquet...). Le sac à dos (5b) doit être un sac adapté aux longues distances et pas trop lourd.
 
6 - le rosaire (juzu) : objet religieux familier pour le Japonais, il sert lors de la prière.

7 - la clochette : attachée au bâton de marche ou à un des sacs, elle sert à se faire entendre des autres pélerins sur la route mais aussi à éloigner les mauvais esprits et les animaux indésirables (notamment les ours).

8 - le cahier de calligraphies (noukyouchou ou nokyocho) : il est une preuve que l'on est passé par tous les temples. En effet, pour 300 yens à chaque fois, le bonze ou un(e) assistant(e) appose les cachets du lieu et réalise devant nous une calligraphie. On doit y passer après la visite (et la prière le cas échéant), avant de se remettre en route. On en trouve des grands et des moyens, certains simples et d'autres avec une image du temple dessinée sur chaque page. C'est pour cette version illustrée que j'ai opté. A noter que certains font plutôt calligraphier une veste d'apparat (semblable à celle que l'on porte mais plus brodée) ou une tenture qui sera ensuite accrochée comme décoration dans l'habitation.

9 - les cartes de visite (osamefuda ou fuda) : ces bandelettes de papier sont de différentes couleurs en fonction du nombre de fois que vous avez déjà effectué le pélerinage : blanc (1-4), vert (5-7), rouge (8-24), argent (25-49), or (50-99) et enfin en brocart (étoffe de soie rehaussée de dessins colorés brochés d'or ou d'argent) si on a déjà réalisé le tour de l'île 100 fois et plus. On les achète par paquet et on en dépose une à chaque temple au moment de la prière en y ajoutant nom, adresse, date et souhait. On en donne aussi à ceux qui nous offrent quelque chose sur le bord de la route (nous y reviendrons).

Enfin, j'ajouterais un élément indispensable à cette aventure : le sourire bien sûr :o)
 
 
(avec Kenji - notez qu'il a même la housse d'appareil photo blanche - et ma nouvelle tenue de Henro ainsi que le livre "Shikoku Japan 88 Route Guide" et mon cahier de calligraphies)
 
 
(sinon on a aussi la version baroudeur de Pierre-Alain, la version peu crédible "j'ai la tenue du Henro ainsi que du maquillage et des talons aux pieds" du mannequin d'exposition ou la version "je m'équipe chez Decathlon en vert fluo pour ne pas qu'on me perde" de Jérôme/Keitaro)