lundi 24 juillet 2023

HOKKAIDO : LA CLE DU REVE POUR UNE FLANERIE PARMI LES OEUVRES DE KAN YASUDA

Au nord de Sapporo est situé le Kan Yasuda Sculpture Park "Arte Piazza" - Bibai. C'est une ville autrefois minière où l'artiste est né en 1945 et où il a décidé d'implanter son musée en plein air. Mais pourquoi ce nom de "place des arts" en italien ? Après un diplôme en sculpture à la Tokyo University of the Arts, Kan Yasuda s'envole en 1970 pour Rome où il tombe amoureux du marbre. Afin d'être proche des ressources en ce matériau qui lui tient à coeur, il décide alors d'installer son atelier au nord de l'Italie où son art évolue.



En flânant au milieu de la quarantaine d’œuvres d’art dispersées dans le parc à la lisière de la forêt,  je me rends compte que j'ai déjà vu plusieurs fois des sculptures de lui (notamment lors de l'inoubliable journée : Naoshima : just a perfect day sur l'île de l'art moderne) mais sans intégrer son nom.

Kan Yasuda, c'est l'anti "tu regardes mais tu ne touches pas" : pour lui, les visiteurs peuvent interagir avec les œuvres exposées comme si elles faisaient elles-mêmes partie de la nature. Tout comme cette dernière, la sculpture changera en fonction de la météo, de nos pensées, de nos émotions... Le nom de ses productions n'a pas d’importance car elles sont des passeurs, des catalyseurs, mais c’est à nous de faire la démarche d'entrer en relation. Plusieurs d'entre elles sont d'ailleurs intitulées "la clé du rêve"...







Les enfants et les animaux hésitent moins que les adultes à interagir avec ces sculptures faisant partie de leur environnement "naturel". Je cite l'artiste : "Time is not touchable but the sculptures can be touched. Through the sculptures, people touch themselves, while receiving, like children, all the sensations that come from touch."

Il est intéressant de noter qu'il refuse qu'on résume son approche à "c'est normal, il est japonais donc proche de la nature à cause du shinto". Il a une autre vision des choses : l'œuvre est universelle, faite en atelier - parfois même en plusieurs exemplaires - et elle s’adapte à l’endroit où elle sera. Ce n’est pas une immersion mais une fusion avec la nature, une communication en phase avec l’instant.  






Moi je suis tellement en phase avec l'environnement que je déguste une glace avec de la confiture aux baies rouges proposée par le Café Arte. La terrasse ombragée est bien agréable et, où que l'on pose les yeux, nature et sculpture se mêlent. Mais quel endroit plein d'émotions !

Et si on nous met en garde régulièrement sur l'île au sujet de la présence d'ours, ce sont plutôt les serpents qui semblent aussi en phase avec la nature environnante si on en croit celui d'environ 1m qui est passé juste devant Marie-Pat' et moi.



Kan Yasuda nous poursuivra quelques jours puisque, outre The Secret of the Sky (1996) déjà vue précédemment à la Benesse House à Naoshima, nous croiserons encore cette année les oeuvres Myomu / Key to a Dream (2006) à la gare JR de Sapporo et Ishinki / Shape of Mind (2006) dans la station de métro de Roppongi à Tokyo.

Myomu / Key to a Dream, Sapporo JR Station (Hokkaido)

Ishinki / Shape of Mind, métro Roppongi (Tokyo)

Comme partout, la végétation évolue à Bibai au fil des saisons et donc le rapport aux oeuvres également. Je clôture cet article en relayant l'adresse du site officiel pour que vous puissiez voir des clichés pris à d'autres moments de l'année (de nouveau, la neige à Hokkaido change tout) mais aussi au cas où vous feriez un voyage passant par ici car on peut même y faire un stage avec l'artiste :  https://www.artepiazza.jp/english/ 

HOKKAIDO : ET LE BOUDDHA EMERGEA DES LAVANDES

Nous voilà de retour dans l'ouest de l'île, à Sapporo, capitale de la préfecture d'Hokkaidō. Nous prenons la route ce matin pour le Makomanai Takino Cemetery où un bouddha monumental, réplique de celui de Kamakura que j'avais vu en 2011 (lire le récit : Kamakura : le Grand Bouddha, le typhon et moi), émerge d'une colline couverte d'un champ de lavande.


A l'origine, au début des années 80, le bouddha n'était pas caché comme ça. Il trônait au milieu des 180 hectares de terrain comptant des dizaines de milliers de tombes.

Mais il a été demandé à un architecte mondialement reconnu de lui faire une structure de protection à l'occasion du 30e anniversaire du site, d'où son surnom de Hill of the Bouddha. Mais quel architecte japonais pourrait donc bien créer une coque épurée de béton comme cela... Vous me voyez venir ? Tadao Ando, bien sûr. Je vous en avais déjà parlé lors de ma virée à Naoshima en 2014 mais aussi au Jardin des Beaux-Arts de Kyoto en 2013. C'est bien simple : il est partout. Et pas uniquement au Japon (une rétrospective lui a d'ailleurs été consacré au Centre Pompidou à Paris en 2018) puisqu'on lui doit des créations de sa ville natale d'Osaka à la Pulitzer Arts Foundation aux USA en passant par l'espace méditation de la Maison de l'Unesco à Paris ou encore la réhabilitation du centre d'art contemporain Punta della Dogana à Venise.

La statue est appelée Atama Daibutsu : Daibutsu, c'est le Grand Bouddha ; et Atama (tête) parce qu'en arrivant on voit d'abord juste le sommet de son crâne surgir de la colline aux 150.000 plants de lavande. Bon, ça devrait être bien plus mauve que sur mes photos mais les plantes ont un peu de mal cette année. Pour voir ce que ça donne d'autres années et/ou à d'autres saisons (pas mal sous la neige aussi), je vous invite à suivre ces liens vers les pages de Visit Hokkaido et Live Japan.


Ne pas trépasser... ok, ce n'était pas notre intention dans l'immédiat 
de toute façon (je sais que la bonne traduction est "ne pas empiéter" 
mais avouez que dans un cimetière...)





Une grande sérénité se dégage du lieu. Et on peut aussi faire un petit tour à l'extérieur sur la structure, au milieu des boules de lavande qui ne sont pas sans évoquer la coiffure du Bouddha :




Qui dit Tadao Ando dit béton, jeux de vides et de pleins, d’ombre et de lumière. Et c'est assez intéressant. J'aime d'ailleurs beaucoup son dessin préparatoire et la note qu'on trouve sur cette page :


Et je suis d'accord que la statue solennelle qui émerge du paysage mauve est inoubliable. Là où je décroche complètement, c'est que - voulant pousser plus loin la connexion avec le monde spirituel - le site a notamment été complété par une allée de moaï, ces statues monumentales de l’île de Pâques, ainsi que par une réplique de Stonehenge sous laquelle on peut carrément acheter une concession pour ses cendres (pour rappel, le site est un cimetière à la base). Et là, comment vous dire... C'est légèrement too much. Je comprends l'idée de rassembler des entités puissantes venues de diverses cultures mais pour moi c'est fake, ça sonne faux. Je n'accroche pas au gigantisme qu'ambitionne le promoteur mais ce n'est qu'un ressenti personnel. Et en plus, visiblement, ce n'est pas fini si on en croit les gros travaux en cours sur le site...