Le pélerinage des 88 temples de Shikoku (ou Shikoku Henro) compte en fait 88 temples principaux + 200 temples secondaires (bangai) + 2 temples particuliers : un avant et un après le parcours. Celui qu'on fait avant la longue marche c'est le To-ji à Kyoto et celui que l'on visite quand on a tout fini c'est le Mont Koya, du côté d'Osaka. Le pélerinage a donc commencé lors de notre passage à Kyoto par une visite au Temple n° 0 (To-ji, le Temple de l'Est), situé à
une dizaine de minutes de la gare. Inscrit au patrimoine mondial de
l'humanité par l'UNESCO, il abrite la pagode la plus
haute du Japon et, tous les 21 du mois, un marché aux puces s'y tient. Mais si nous nous sommes rendus dans ce lieu, c'est que la tradition veut que l'on visite ce
temple avant le voyage à Shikoku pour que tout se passe bien sur la route. Pas vraiment de prière en ce qui nous concerne mais ce léger détour a permis à ceux qui le souhaitaient d'acheter le carnet de
calligraphies. Personnellement, j'ai préféré attendre la boutique du Temple n° 1 afin d'acquérir une version du cahier avec images.
Le Temple n° 0, c'est surtout l'occasion de faire un premier coucou à LA figure du pélerinage qu'on va retrouver à tous les temples : Kukai (alias "Kobo-Daishi" de son nom honorifique). Il a vécu à cheval entre les 8e et 9e siècles (774-835) et a cumulé les casquettes : poète, maître en calligraphie, ingénieur, enseignant, diplomate, créateur de la première école libre du Japon (c'est-à-dire une école d'arts et de sciences ouverte à tous les étudiants, sans tenir compte de leur statut social ni de leurs moyens financiers), etc. Personnage important du bouddhisme, il était aussi un homme de lettres qui a eu une forte influence au Pays du Soleil levant. Bref, il a laissé son empreinte sur la culture et la civilisation japonaises.
On lui attribue donc aussi la création du pélerinage de Shikoku bien qu'il ait plutôt parcouru cette île au 9e siècle et qu'on ne trouve de premières références à un tel parcours qu'au 12e siècle. Toujours est-il que cette aventure de 1200 km (1400 si on va aussi voir les temples secondaires) sur cette petite île très bien préservée du Japon existe dans sa forme actuelle des 88 temples depuis la fin du 16e siècle et que l'on continue à dire que Kukai accompagne les marcheurs pour les réconforter et les protéger.
Shikoku signifie en fait 4 (shi) pays (koku) car l'île est divisée en 4 régions comme on peut le voir sur la carte ci-dessus. Dans l'esprit du pélerinage religieux, chacune de ces préfectures - anciennement les provinces de Awa, Tosa, Ilyo et Sanuki - a été associée à un stade de développement personnel :
1 - Tokushima (en orange sur la carte, du n° 1 au n° 23) = l'éveil : les distances entre les temples ne sont pas très longues, le paysage est varié et passe entre des champs, dans les villages, en forêt, etc. Certains temples sont par contre difficiles à atteindre (notamment le 12) et constituent des épreuves pour progresser.
2 - Kochi (en rose, du n° 24 au n° 39) = l'ascèse : environ 360 km quasi sans cesse sur l'asphalte, le long du Pacifique, en plein soleil avec des distances parfois fort longues entre les temples. D'où les idées d'austérité et de discipline.
3 - Ehime (en jaune, du n° 40 au n° 65) = l'illumination : on commence sérieusement à être apaisé et libéré.
4 - Kagawa (en vert, du n° 66 au n° 88) = le nirvana : le bonheur d'avoir accompli tout le parcours ; c'est la finalité de la pratique bouddhiste.
On commence donc dans la préfecture de Tokushima (on part d'ailleurs de la ville-même de Tokushima) où se situe le Temple n° 1 et on tourne dans le sens des aiguilles d'une montre pour arriver au Temple n° 88 entre 2 et 3 mois plus tard si on le fait à pied (nous y reviendrons). Sur cette autre carte photographiée en cours de route, on voit bien que le parcours circulaire (la ligne orange ; en noir et blanc c'est le train) fait le tour de l'île (et on distingue très bien sur l'agrandissement nous concernant les méchantes montagnes situées entre les Temples n° 11 et 12... mais ce sera pour le dernier jour de cette expédition).
Et enfin, avant d'entrer dans le récit de cette aventure : mais pourquoi effectuer ce pélerinage ? Les raisons sont variées : certains le font évidemment toujours pour des motifs religieux mais d'autres se lancent aussi sur les routes pour casser la routine de la vie quotidienne, pour se lancer un défi sportif, pour se retrouver seul avec soi-même et réfléchir à plein de choses (selon la tirade connue "l'important n'est pas le but à atteindre mais le chemin lui-même")... Personnellement, c'est pour marcher dans la nature - comme j'ai déjà pu le faire au Canada - au milieu de paysages hors du commun, faire de la photo, aller à la rencontre d'autres cultures et ramener plein d'histoires à raconter... :o)
Vraiment intéressant.
RépondreSupprimerMerci de partager ça avec nous, J'aime beaucoup suivre ton parcours et en apprendre un peu plus sur ce beau pays :-)
RépondreSupprimerQuand je pense qu'on était si proche du 88 ! En tout cas merci pour ton blog, j'apprends plein de choses.
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