D'accord, ce n'est pas un remake du film Le Château ambulant de Hayao Miyazaki sorti en 2004 mais l'histoire du Château d'Hirosaki qui se déplace est tout aussi fantastique.
Dans les années 1610, un clan fait allégeance aux Tokugawa et obtient le droit de s’installer dans cette région à Hirosaki (弘前市) : ce sont les Tsugaru (blason avec svastika). Le château date de cette époque (1610)… mais il explose à peine une quinzaine d'années plus tard, en 1627, quand un incendie s’étend à la réserve de poudre. Il ne sera reconstruit qu’au 18e siècle, uniquement en version à 3 étages alors qu'il en comptait 5 historiquement.
Contrairement à d'autres villes que nous avons visitées, l’ancien fief du clan Tsugaru n’a pas souffert de la guerre. Par contre, suite à un tremblement de terre dans les années 1980, le sous-bassement du château a été fragilisé et une restauration pour résoudre les problèmes de stabilité était nécessaire. Alors, pour pouvoir travailler sur sa base et la consolider, les Japonais ont décidé de déplacer le château "temporairement" à environ 70 mètres de son emplacement ! C'était il y a 10 ans, la restauration est toujours en cours (comme quoi même au Japon les chantiers prennent du retard) et la fin des travaux est aujourd'hui estimée à 2028.
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Donc le château a été déplacé là au milieu de l'espace dénommé Honmaru |
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Alors qu'il se trouvait ici, sur cette base à présent vide et qui doit être réparée / consolidée |

Une petite vidéo pour vous donner une idée du trajet du déplacement de ce château :
J'ai pris cette vidéo en sortant et vous entendez bien les gouttes de pluie sur mon parapluie mais, en arrivant au pied du château, les nuages s'agglutinaient seulement dans le ciel, ce qui nous a permis d'assister à un spectacle folklorique avant de le visiter.
Le parc du château lui-même est déjà réputé pour ses nombreux cerisiers (la ville d'Hirosaki dans son ensemble compterait plus de 2.500 cerisiers) et le site historique comprend aussi par ailleurs un jardin botanique auquel notre billet combiné nous donne accès. C'est malheureusement à peine le début de la floraison vu que nous sommes fort au nord ; ne parlons même pas de la roseraie ou d'autres coins du jardin qui ne seront pleinement épanouis qu'à la période estivale. Seuls les pruniers en fleurs créent des taches de couleurs dans le paysage.
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Le plus vieux cerisier du parc du château, près des douves |
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La mascotte fait la gueule car, à part les pensées, peu de fleurs sont ouvertes en ce moment |
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Notre date de visite devant initialement coïncider avec le festival des cerisiers, le lunch est libre car il y a de nombreuses échoppes festives dans le parc. La pluie s'est invitée en fin de matinée (et royalement : il drache sérieusement !) ; c'est donc à l'abri sous mon parapluie que je parcoure les stands à la recherche de mon dîner.
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Un magnolia en fleurs et les spécialistes des plantes s'agglutinent |
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J'admets qu'il est beau |
Après un repas de nouilles soba en bouillon, nous prenons la direction du 3e lieu auquel nous donne accès notre billet combiné pour la ville d'Hirosaki : le Fujita Memorial Japanese Garden (藤田記念庭園, Fujita Kinen Teien), d'une superficie d'environ 21.800 m². Ce n'est pas un jardin zen mais un jardin de balade de style Edo que Kenichi Fujita a demandé à un jardinier de Tokyo d'aménager au début du 20e siècle (1919-1921) à l'occasion de la construction de sa deuxième résidence dans sa ville natale d'Hirosaki.
Kenichi Fujita était un entrepreneur ainsi qu'un membre du Kizoku-in, la Chambre des pairs japonaise. Son nom de naissance était Akashi jusqu'à son adoption par la famille Fujita quand il avait 5 ans. A 19 ans, il part pour Tokyo et étudie le droit. Il commence dans le monde du travail comme professeur de droit et s'en suit une brillante carrière d'homme d'affaires jusqu'à ce qu'il devienne finalement le premier président de la Chambre de commerce et d'industrie du Japon. Il jouera un rôle de premier plan dans le monde financier et commercial du pays. En outre, il est également connu pour ses généreuses contributions à des œuvres éducatives et à d'autres causes publiques, raison pour laquelle la ville d'Hirosaki a souhaité lui rendre hommage, acquérant le jardin et l'ouvrant au public au début des années 1990.
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La demeure "western style" |
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Vue sur le Mont Iwaki, avec son sommet enneigé |
Sur cette dernière photo on peut voir le suikinkutsu, un type d'ornement de jardin japonais construit pour profiter du son de l'eau. Grâce à un savant montage des composants de cet "instrument", l'eau qui s'écoule du bambou produit un agréable bruit qui résonne sous terre, semblable à celui d'une cloche ou d'un instrument à cordes japonais appelé koto.
La journée à Hirosaki se termine dans le quartier des 33 temples où nous visitons le Choshoji (長勝寺) qui abrite 500 statues des disciples du Bouddha. Bien culturel important classé au niveau national, ce temple fut construit en 1528 comme temple tutélaire de la famille Tsugaru, et déplacé à son emplacement actuel lors de la construction du château d'Hirosaki. L'ensemble de neuf bâtiments compte notamment les mausolées de la famille Tsugaru. Et sa particularité est que le kuri (庫裏, littéralement "entrepôt derrière", cuisine d'un monastère zen généralement située derrière le butsuden ou "salle du Bouddha") est ici accolé au principal pavillon de prière.
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Sanmon, la porte de la sagesse |
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Kuri (à droite) accolé au bâtiment principal (à gauche) |
Enfin, on clôture notre série de visites du jour par le temple Saishoin (désigné bien culturel important au niveau national) et sa pagode à 5 étages, la plus au nord sur les 22 encore existantes au Japon. Construite il y a 350 ans, cette pagode mesure plus de 30m de haut. Le culte dans ce temple est particulièrement centré sur Monju Bosatsu, célèbre pour sa grande sagesse et divinité protectrice liée au lapin. Et ça se verra aisément sur le site qui regorge de détails avec des lapins.
Et puis - clin d'oeil à Pierre-Alain d'Autrement le Japon et à mes co-aventuriers qui se reconnaîtront - c'est avec plaisir que je retrouve un "visage connu", celui de Kukai (空海 alias Kobo-Daishi de son nom honorifique) qui a veillé sur nous durant tout le pélerinage des 88 temples de Shikoku et dont je vous ai déjà abondamment parlé, que ce soit au départ du temple 1 quand je décrivais l'équipement ou quand je me suis rendue au Mont Koya, sa dernière demeure.

Magnifique, je me régale.
RépondreSupprimerPourquoi les boiseries des ponts sont-elles peintes en rouge?
Tradition qui vient de Chine et qui a été conservée pour les ponts (élément souvent symbolique et marquant une limite entre sacré et profane) au Japon où le rouge est une couleur sacrée.
SupprimerPassionnant. Et les recoupements d’un voyage à l’autre sont intéressants.
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